Session AFS

JustifierCompte-rendu de la session du congrès AFS 2009

- Séance du 15 avril -

Cette première rencontre aura été avant tout l’occasion de présenter le nouveau GT et de faciliter les échanges entre les participants. Pour ce faire, ces deux sessions se concentreront sur les questions de méthode posées par la constitution de bases de données prosopographiques.

SESSION 1 / 14 h 30 - 16 h 30

Présentation de l’initiative GT “Sociologie des élites” aux participants et présentation des projets déjà proposés lors de la réunion du 10 janvier dernier
  • 15h00 – 15h40 : Tour de table des personnes présentes, recension des propositions de participation au GT
  • 15h40-16h10 : Présentation de la base de données suisse sur les élites politiques et économiques réalisée par une équipe de l’université de Lausanne (Thomas David, André Mach, Frédéric Rebbman, André Pilotti, Stéphanie Ginalski)
  • 16h10 – 16h30 : Discussion collective des travaux présentés

SESSION 2 / 17 h 00 – 19 h 00 :
  • 17h00-17h30 : Présentation de l’architecture de la base de données « Patronat » (F-X. Dudouet)
  • 17h30- 18h00 : Présentation de Claire Lemercier : "Construire une base de données prosopographique sans oublier le temps ni les liens"
  • 18h00 – 19h00 : Discussion collective des travaux présentés & perspectives à venir (proposition de colloques, de séminaires…)


Pour commencer, Sylvain Laurens a rappelé l'origine du groupe: plutôt que d'ajouter un nouvel objet à une liste déjà longue au sein de l'AFS, il s'agit en premier lieu pour nous de faire de la "sociologie des élites" un espace transversal à l'intersection de recherches empiriques menées en sociologie de l'éducation, en sociologie politique, des classes, de la famille ou encore en sociologie économique. Ces différents domaines peuvent en effet s'enrichir mutuellement dans l'étude d'un objet-carrefour tel que les "classes dirigeantes", les "classes dominantes". La nécessité d'un tel réseau a également été soulignée : le groupe peut permettre de développer des méthodes communes, de constituer des bases de données de grande taille en mobilisant des ressources collectives, de mettre en commun des démarches d'analyse, etc. Frédéric Lebaron a prolongé ce point en évoquant l'importance d'une réflexion collective sur les démarches de recueil et aussi de traitement des données, notamment statistiques, de l'information biographique ou issue de questionnaires. Il s'agit aussi de passer à une autre échelle en prenant au sérieux les possibilités de financement de programmes ambitieux.

Les 33 participants présents ont insisté sur cette double dimension et ont présenté leurs recherches individuelles ou collectives en cours, qui pourraient faire l'objet de discussions dans le cadre du réseau où elles trouvent particulièrement bien leur place. La pluridisciplinarité (avec les relations entre sociologie, science politique et histoire) a été particulièrement mise en avant par plusieurs collègues.

La prosopographie a été au centre de cette première réunion, avec trois présentations de bases de données qui se sont avérées très convergentes ; elles ont permis d'insister sur la nécessité de prendre très au sérieux le processus de construction, qu'il soit individuel ou collectif, de bases de données biographiques, sans pour autant fétichiser ce qui n'est qu'un instrument de recherche parmi d'autres, mais particulièrement adapté à la recherche collective et en relation d'interaction étroite avec le matériau qualitatif. Plusieurs thèmes de futures journées d'études ont été évoqués: les lieux de rencontre, le traitement des données biographiques.

La session commence à proprement parler par l’intervention d'André Mach et Stéphanie Ginalski de l’Université de Lausanne. Ces derniers présentent la structure de leur base de données sur les élites suisses et notamment la composition de leur échantillon. L'échantillon comprend les élites suisses des trois sphères suivantes: Economique, Politique et Administrative. Il couvre cinq dates: 1910, 1937, 1957, 1980, 2000. Le statut d'élite des personnes de cet échantillon est défini par la position occupée dans ces trois sphères. Les données permettent, d'une part, d'appréhender les élites à travers une analyse relationnelle (analyse de réseau) pour mettre en évidence les interrelations entre ces élites, et, d'autre part, de mener une analyse prosopographique de ces élites. L’échantillon se compose de deux catégories d’élites (Pro pour Prosopographie) et (Rés pour Réseau). Le statut Pro (i.e. prosopographie) renvoie à la position/fonction occupée dans les
trois sphères et donnera lieu à une analyse prosopographique et à une analyse de réseau ; le statut Rés (i.e. réseau) renvoie à des «élites secondaires» et ne donnera pas lieu à une analyse prosopographique ultérieure, mais uniquement à une analyse de réseau.
La base de données a été élaborée sur le logiciel Filemaker Pro 8.5. Elle se compose de plusieurs «tables parallèles» et reliées entre elles (les informations introduites dans la fiche principale apparaissent également dans les autres fiches, cf. schéma ci-dessous) : 1) Fiches principales ; 2) Fiches Mandats (pour tous les mandats politiques, économiques et administratifs et lieux de sociabilité occupés par la personne à la date) ; 3) Fiches Identité : un grand nombre d’individus étant présents sur plusieurs dates, a donc été créée une table Identité pour chaque personne, qui synthétise les informations biographiques statiques. Afin d’éviter de saisir deux fois les informations, cette table permet de les saisir une fois dans la fiche principale. La base est structurée de la manière suivante : Chaque fiche principale est ensuite structurée en 4 pages : 1) Informations biographiques (de la date de naissance à la formation,…); 2) Réseau (mandats occupés à la date); 3) Parcours (carrière professionnelle et politique de l’individu); 4) Biblio (synthèse des sources utilisées). Le type d’informations contenues dans les fiches s’inspire d’autres base de données, notamment le Dictionnaire historique suisse (www.dhs.ch) et les Documents diplomatiques suisses (www.dodis.ch) (pour plus de détails sur les rubriques, voir Convention de saisie).
L’échantillon se compose donc d’environ 12'800 fiches principales. Cependant, de nombreux individus sont présents sur deux, voire trois, dates, révélateur de la longévité de certains :
Individus sur 3 dates : 16 (= 48 fiches principales)
Individus sur 2 dates : 935 (= 1870 fiches principales)
Individus sur 1 date : 10’853
Total des individus présents dans la base : 16 + 935 + 10’853 = 11’804


La base regroupe tout d’abord des élites de la sphère économique. Ont été considérées comme faisant partie de l’élite économique d’une part les membres du comité directeur des sept principales associations économiques faîtières suisses au 20ème siècle, et d’autre part les dirigeants (Président du Conseil d’Administration, Directeur général et administrateur-délégué) des 110 plus grandes entreprises suisses. Pour ce qui concerne les associations faîtières, ont été sélectionnés les membres du comité directeur, les directeurs et / ou secr, les directeurs et / ou secrétaires généraux ainsi que les principaux secrétaires permanents des principales associations faîtières suisses : l’Association suisse des banquiers (ASB), l’Union patronale suisse (UPS, ancienne Union centrale des associations patronales suisses, UCAPS), l’Union suisse des arts et métiers (USAM), l’Union suisse du commerce et de l’industrie (USCI), l’Union suisse des paysans (USP), l’Union syndicale suisse (USS) et la Confédération des syndicats chrétiens suisse (CSCS). Ces fonctions confèrent aux personnes concernées le statut Pro. Les critères retenus pour déterminer les 110 plus grandes entreprises ont été les suivants : capital-action, capitalisation boursière, chiffre d’affaires, bilan et nombre d’employés (les critères retenus varient selon les dates). Le droit des sociétés anonymes laisse une grande marge de manoeuvre pour les entreprises d’organiser leur organe dirigeant comme elles le désirent. Ce n’est donc pas toujours possible d’identifier clairement, lorsqu’il y a à la fois un administrateur-délégué et un directeur général, qui est le principal responsable de la direction opérationnelle de l’entreprise. Lorsque les sources mentionnaient pour une même entreprise à la fois un administrateur-délégué et un directeur général, la priorité a été donnée à l’administrateur-délégué. Dans le cas des petites entreprises, il n’y a souvent qu’une seule personne à la tête de la direction. En ce qui concerne les plus grandes firmes, il peut au contraire y avoir plusieurs administrateur-délégués. Il est alors difficile de déterminer lequel est le plus important, et lorsqu’il était impossible de trancher, tous ont été gardés. Ce qui fait que pour certaines sociétés, il y a parfois trois, voire quatre dirigeants. Dans l’ensemble, cependant, ont été retenues en moyenne deux personnes par entreprises (le président du conseil d’administration et le membre principal de la direction opérationnelle). Certains individus sont présidents de plusieurs CdA.
Ont été retenus le président et l’administrateur-délégué ou le directeur général afin d’analyser la séparation des fonctions entre la direction stratégique de l’entreprise (relevant du CdA) et la direction opérationnelle au cours du 20ème siècle. Il arrive, en particulier pour 1910 et 1937 et surtout pour les banques privées, que la forme juridique des entreprises ne soit pas celle de la société anonyme : il peut s’agir notamment de société en commandite, société en nom collectif ou de coopérative. Dans ces cas, ont été adoptées par commodité les catégories de président, d’adminsitrateur-délégué, de directeur général ou de membre du CdA, même si elles ne correspondaient pas exactement aux catégories de ces sociétés.

Aux élites de la sphère économique ont été ajoutées les élites de la sphère politique. L’échantillon pour la sphère politique se compose des membres du Conseil fédéral, des parlementaires suisses, des conseillers d’Etat des quatre plus grands cantons (VD, BE, ZH et le TI) ainsi que des membres du comité directeur des partis gouvernementaux. Pour les élites administratives ont été retenues d’une part d’«élites Pro» (les hauts fonctionnaires fédéraux) et d’«élites Res» pour les membres des commissions fédérales extraparlementaires, particulièrement nombreuses en Suisse.

L’ensemble des participants saluent l’exhaustivité de ce travail et posent une série de questions portant notamment sur les financements dont bénéficie le projet et les logiques de traitement d’une telle masse d’informations. L’ensemble des données sont actualisées via un serveur par plusieurs chercheurs et étudiants. Le projet comprend plusieurs déclinaisons et alimente plusieurs sujets de thèse notamment. Les personnes qui souhaiteraient plus d’information peuvent visiter le site internet du projet .


Après la pause, François-Xavier Dudouet a présenté la base de données sur les patrons des grandes entreprises européennes. 'Les données recueillies sur la période 2002-2007 permettent déjà de se faire une idée des positions relatives des uns et des autres au sein de l'espace formé par les dirigeants des entreprises du CAC 40, mais aussi de quatre autres pays de la zone euro (Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas).'
Variables sociologiques et économiques paraissent s’ignorer dans l’analyse des grandes entreprises. Or, ces deux dimensions, si elles sont pensées ensemble, peuvent s’éclairer l’une l’autre. Par exemple, les liens sociaux entre les conseils peuvent trouver des corrélations objectives dans les liens financiers entre les entreprises et inversement les stratégies d’investissements peuvent s’éclairer par les liens sociaux. C’est pourquoi le projet est mené conjointement avec un analyste économique qui assure le suivi économique de ces grandes entreprises et des relations financières qu’elles entretiennent. L’entrée institutionnelle permet, par ailleurs, de se faire une première représentation des relations que les dirigeants entretiennent avec d’autres espaces tel que le monde médiatique, académique, politique ou administratif. Ces relations, que l’on pourrait, a priori, qualifier d’exogènes sont constitutives de l’espace social dans lequel évoluent les acteurs étudiés, comme le montre la trajectoire de certains d’entre eux (ENA, cabinet ministériel, entreprise publique, entreprise privatisée). Ces observations invitent à prolonger sur le champ du pouvoir et notamment à s’interroger sur les recompositions récentes et un éventuel transfert d’autorité du monde politico-administratif vers le monde des affaires.
Cette étude est menée en relation avec l’Observatoire politico-économique des structures du capitalisme (OpesC), association de loi 1901. Une partie des premiers résultats empiriques est disponible sur le site de l’OpesC
La session s’achève avec l’intervention de Claire Lemercier qui revient sur les enjeux méthodologiques liés à la constitution de bases de données prosopographiques.
Parmi les sites ressources évoqués se reporter à www.quanti.ihmc.ens.fr

Une prochaine réunion sera convoquée d’ici septembre pour avancer dans la structuration du réseau.