Nantes - Appel à communications

CINQUIEME CONGRES DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE« LES DOMINATIONS »


Réseau thématique 42 « Sociologie des élites »
Appel à communication : « Elite(s) et domination(s) »

Nantes, 2-5 septembre 2013
Date limite de soumission : lundi 21 janvier 2013

En se plaçant sous le thème des « dominations », ce cinquième congrès de l’AFS intéresse très directement  la  sociologie  des  élites.  Pourtant  domination  et  élites  n’ont  pas  toujours fait bon ménage  par  le  passé,  tant  la  pensée  de  la  domination  a  pu  être  accaparée  par  la  tradition marxiste (sans s’y réduire) et celle sur les élites construite, au moins partiellement, en réaction à  la  première.  Les  débats  entre  marxistes  et  élitistes  et,  peut-être  plus  encore,  au  sein  de l’élitisme entre  pluralistes  et monistes  attestent  de  ces  difficultés  à  penser  ensemble  des  notions  qui  paraissent,  a  priori,  si  proches :  pouvoir,  domination,  classe  dominante  ou  dirigeante,  élite  au  singulier  ou  au  pluriel.  Les  impasses  des  débats  passés  expliquent  certainement  le  relatif  effacement  de  ces  thèmes  autrefois  centraux  en  sociologie  et  il  n’est  pas  sûr  que  la  discipline  ait  aujourd’hui  trouvé  le  moyen  de  réconcilier  ces  différentes  traditions.  Pourtant,  il  existe  quelques  voies  qui  sans  nécessairement  faire  consensus  permettent sans doute de trouver quelques terrains d’entente. On pense notamment aux types  de  domination  de  Max  Weber,  aux  élites  monopolistiques  de  Norbert  Elias  ou  encore  au  champ  du  pouvoir  de  Pierre  Bourdieu.  Sans  prétendre  apporter  de  réponses  définitives  aux  problématiques  soulevées,  les  sessions  proposées  par  le  RT  42  souhaiteraient  reprendre  la  réflexion en questionnant les élites et leurs modes de domination aux travers de quatre axes :  

1/ Légitimité des élites et domination 

2/ Genre et reproduction des élites

3/ Le rôle des élites dans  la  production  et  la diffusion des représentations dominantes 

4/ Actualités du champs du pouvoir.

Seront  privilégiées  les  communications  qui  associeront  à  une  réflexion  sur  les  thèmes
proposés  des  enquêtes  empiriques  approfondies  et  originales.  Toutefois,  des  propositions  de
communication  plus  spécifiquement  théoriques  pourront  être  retenues  pour  peu  qu’elles
éclairent suffisamment les problématiques évoquées.
Les  propositions  de  communication  comprendront  un  résumé  de  1500  signes  maximum  en précisant  l’axe  dans  lequel  elles  s’inscrivent  prioritairement.  Elles  devront  être  envoyées avant le lundi 21 janvier 2013 à François-Xavier Dudouet (dudouet(AT)dauphine.fr)
Axe 1 : Légitimité des élites et domination
La  question  de  la  légitimité,  qui  interroge  les  façons  dont  des  groupes  sociaux  acquièrent,
maintiennent  et  justifient  leur  pouvoir  et  leur  prééminence,  est  une  question  classique  et centrale  pour  la  sociologie  des  élites.  En  explorant  notamment  comment  les  principes  de légitimité  sont  construits,  les  pratiques  - discursives,  relationnelles …- qu’ils  impliquent,  les différentes  formes  de  capitaux  qu’ils  mobilisent  et  les  ressources  spécifiques  ils  procurent  en terme  de  contrôle  et  de  pouvoir  dans  un  champ  ou  un  espace  donné,  l’analyse  offre  des perspectives  intéressantes  pour  éclairer  les  mécanismes  de  (re)  production  des  formes  de domination.  En  particulier,  comment  le  consentement  sur  certains  principes  ou  certaines formes de légitimité se construit-il ? Comment et jusqu’où les groupes ou catégories dominées participent-ils  à  la reconnaissance de ces principes ? Selon quels processus leur arbitraire est-il  occulté  ou  naturalisé ?  Par  ailleurs,  s’interroger  sur  les  processus  de  légitimation  des  élites et les contextes sociaux, économiques, politiques dans lesquels ils s’inscrivent permet souvent de mettre à jour les luttes entre principes de légitimité défendus par des groupes concurrents – qu’on  songe  par  exemple  à  l’opposition  entre  « propriétaires »  et  « managers »  au  sein  du  champ  économique  - ou  la  dimension  contingente  de  l’influence  d’un  groupe,  fondée  par exemple sur le monopole – souvent temporaire et fragile - d’un savoir ou d’une expertise. Les communications pourront aborder cet axe sous l’angle de la continuité ou au contraire des  concurrences  et  luttes  entre  principes  et  formes  de  légitimité  propres  à  un  champ  ou  à  un espace  donné,  économique,  politique,  académique…  Elles  pourront  également  aborder  la question sur le plan des concurrences entre élites relevant de différents espaces sociaux. Dans tous  les  cas,  les communications veilleront  à  éclairer  si, comment, jusqu’où ces processus de légitimation  produisent  des  distinctions,  des  hiérarchies  et  alimentent  des  mécanismes  de domination.
Axe 2 : Genre et reproduction des élites
Les  études  attachant  une  attention  toute  particulière  à  l’intersectionnalité  des  rapports  de domination  ont  principalement  pris  pour  clef  d’entrée  des  groupes  sociaux  doublement stigmatisés  ou  pour  lesquels  rapports  de  classe  et  de  genre  convergent  et  finissent  par renforcer  des  processus  de  domination.  D’autre  part,  les  travaux  sur  les  élites,  même  s’ils relèvent une relative féminisation de ces dernières, restent le plus souvent écrits au « masculin neutre ».  L’analyse  de  la  reproduction  des  élites  donne  davantage  lieu  à  des  études  sur  les « grandes  écoles »  ou  les  formes  d’entrée  dans  l’élite  et  les  effets  propres  de  la  mobilité sociale  sur  les  agents  sociaux  que  sur les formes de division du travail et le rôle des épouses  dans l’entretien du capital social ou symbolique.
En croisant sciemment « genre » et « sociologie des élites », nous espérons à travers cet appel à communications rendre visibles les travaux actuels qui proposent une approche du champ du pouvoir  qui  intègre  à  la  réflexion la  force  prescriptrice  des  rapports  de  genre. Comme l’ont montré  plusieurs  travaux récents, femmes politiques, femmes hauts fonctionnaires ou femmes patrons, occupent souvent des positions « dominées » parmi les dominants et, sur ces terrains particuliers,  le  croisement  des  rapports  de  domination  oblige  à  une  description  fine  des groupes sociaux étudiés. Il ne s’agit pas là de réduire les processus de reproduction des élites à  une  seule  dimension  mais  bien  d’intégrer  à  la  réflexion  la  façon  dont  les  assignations genrées produisent au sein même du champ du pouvoir leurs effets propres.
Au-delà  des  travaux  portant  sur  la  féminisation  des  professions  supérieures,  nous souhaiterions  donc  lors  de  cette  session  mettre  en  valeur  la  question  de  l’articulation complexe  des  rapports  de  classe  (supérieure)  et  de  sexe  au  sein  des  différentes  fractions  du champ  du  pouvoir.  Une  priorité  sera  donnée  aux  communications  qui – à  partir  d’un  terrain d’enquête particulier - proposeront une approche empirique des agents sociaux étudiés et des pratiques permettant de dégager des hypothèses générales de travail sur ces enjeux.
Les  formes d’assignation sexuées ne se limitant pas à la seule question de la féminisation des élites/l’entrée  des  femmes  dans  les  élites,  une  attention  particulière  sera  également  accordée aux propositions portant sur les relations entre les élites et les autres groupes sociaux sous ce prisme  (par  exemple,  le  rôle  des  femmes  dans  les  métiers  du  luxe  ou  sur  les  formes  de virilisme  ou  de  masculinisme  prévalant dans  des  groupes  dirigeants  essentiellement masculins).
Axe  3 :  Le  rôle  des  élites  dans  la  production  et  la  diffusion  des  représentations
dominantes

Si  les  « idées  dominantes »  sont,  bien  souvent,  celle  de  la  « classe  dominante »  (Marx),  le développement des  savoirs  académiques  et  professionnels  a  transformé  les  modalités  de production  des  représentations  qui  s’imposent  dans  l’espace  public.  En  considérant  que  les élites  sont  à  la  fois  des  producteurs  et  des  diffuseurs  de  ces  représentations,  il  convient d’étudier ces processus en tenant compte à la fois de la diversité des élites et de la complexité des représentations dominantes en fonction des contextes historiques, des secteurs, des objets, des types d’enjeux…
D’une part, « idées », « idéologies », « discours »  apparaissent  encastrés  dans  les  rapports de domination et dans le contexte particulier d’un ordre économique et social. Il s’agira dès lors de  montrer  dans  quelle  mesure des  groupes  d’élites  ont  été  ou  sont  le  lieu  d’élaboration  /  le
vecteur  de  diffusion  d’un  ensemble  d’idées  particulières.  Ces  groupes  seront  donc  pris  pour objet  en  tant  que  producteurs  et  diffuseurs  de  représentations  liées  à  leurs  caractéristiques sociales.  Comparaisons  dans  le  temps  et  l’espace  permettront  d’aller  au-delà  d’approches strictement monographiques.
Les  propriétés  des  représentations  dominantes  seront  étudiées,  en  relation  avec  celles  des groupes  ou  individus  qui  les  promeuvent.  Le  recours  à  la  sociologie  des  discours  et représentations,  sous  toutes  ses  formes  (sociologie  de  la  connaissance,  analyse  du  discours, lexicométrie,  psychologie  sociale,  etc.)  sera  particulièrement  utile  pour  caractériser  la spécificité  et  la dynamique de  ces  représentations,  leur  lien avec des représentations savantes ou  profanes,  etc.  Il  s’agira  de  les  mettre  en  relation  avec  des  espaces  sociaux  où  elles « circulent »,  trouvent  un  écho,  sont  contredites  ou  réélaborées,  transformées,  etc.  On s’intéressera  tout  particulièrement  aux  formes  diverses  prises  par  les  « mêmes »  idées  en fonction des types de producteurs de discours.
Enfin,  un  intérêt  particulier  sera  porté  à  la  question  des  relations  entre  « représentations dominantes »  et  action  publique,  à  travers  la  construction  des  problèmes  publics, notamment dans  les  médias  et  le  champ  politique  ou  par  le  lobbying,  et  à  travers  la  mise  en  oeuvre « concrète » des idées dominantes dans des rapports, dispositifs, textes de loi, institutions, etc
Les  contributions  méthodologiques  sur  les  enjeux  et  modalités  d’étude  de  la  production  / diffusion  des  représentations  dominantes  seront  particulièrement  bienvenues,  en  particulier lorsqu’elles  feront  le  lien  entre  sociologie  /  prosopographie  des  élites  d’une  part,  étude  des représentations et enjeux de l’action publique d’autre part.
Axe 4 : Actualités du champ du pouvoir
Elaborée  à  la  fin  des  années  1980,  la  notion de champ du pouvoir proposée par Bourdieu se voulait  être  une  alternative  théorique  aussi  bien  à  la  domination  marxiste  qu’à  la  tradition pluraliste  de  l’élitisme,  tout  en  s’inscrivant,  cependant,  dans  une  certaine  continuité  avec l’élitisme moniste. Pour Bourdieu, le champ du pouvoir était structuré par la lutte des agents dominants  les  différents  champs  de  la  société  pour  faire  connaître  et  reconnaître  les différences  espèces  de  capital  qui  fondaient  leur  pouvoir.  Au  delà  de  la  simple  compétition entre dominants, le champ du pouvoir était aussi le lieu de réification et de construction de la légitimité  des  différentes  espèces  de  capitaux  non  seulement  à  l’égard  des  compétiteurs  mais aussi  vis-à-vis  de  l’ensemble  de  dominés. En ce  sens  les  rapports  de  force  au  sein  du champ du  pouvoir  n’avaient  pas  seulement  pour  enjeu  de  fixer  les  rapports  de  domination  entre dominants, mais aussi d’interférer sur les conditions mêmes de la reproduction des « élites ».

Quelles actualités portent encore la notion de champ du pouvoir au début du 21ème siècle  Pensée  essentiellement  dans le cadre de la France des années 1970-1980, la notion de champ du pouvoir est-elle prisonnière de son contexte socio-historique ? Est-il possible de l’étendre à d’autres  contextes  nationaux,  voir  transnationaux,  comme  l’ont  déjà  tenté  certains  travaux ? Quels  problèmes  méthodologiques  et  théoriques  posent  ces  expatriations ?  Des  retours d’expérience en ce domaine seraient particulièrement appréciés.
A  l’époque  où  écrivait  Bourdieu,  le  champ  du  pouvoir  français  était  clairement  dominé  par l’Etat et son appareil bureaucratique. Deux autres pôles émergeaient cependant bien que dans des  positions  subalternes :  le  monde  intellectuel  et  le champ  économique.  Mais  qu’en  est-il
aujourd’hui ?  La  dichotomie  en  trois  pôles  dominants  est-elle  toujours  pertinente ?  où convient-il  d’envisager  de  nouveaux  pôles  et  de  nouvelles  polarisations ?  On  pourra notamment  s’interroger  sur  la  place  occupée  par  « l’économie »  dans  le  champ  du  pouvoir
actuellement  et  la  reconfiguration  des  rapports  de  force  que  l’évolution  de  sa  position  a  pu
entraîner,  notamment  sur  d’éventuelles  transformations  du  champ  des  grandes  écoles  ou
évolutions des trajectoires sociales au sein de « l’élite ».
Plus généralement, quelle pertinence garde la notion pour éclairer les mécanismes du pouvoir en  France ?  Bourdieu  avait  envisagé  le  champ  du  pouvoir  principalement  d’après  le  champ des  grandes  écoles  et  la  socio-génèse  de  l’Etat,  mais  quelles  autres  méthodes  ou  angles d’approches  peuvent  être  utilement  mobilisées  pour  essayer  d’en  rendre  compte ?  Le  champ
du pouvoir doit-il toujours être pensé en relation avec l’Etat moderne de type occidental ?