Politique des savoirs

Politiques des savoirs

Réseaux, pratiques, acteurs

Université de Limoges, FSLH, Département de sociologie

Jeudi 14 et vendredi 15 octobre 2010 (matin)

Colloque proposé par l’Université de Limoges, le GRESCO, l’Association Française de sociologie et ses réseaux thématiques

27 (Sociologie des intellectuels et de l’expertise : savoirs et pouvoirs),

29 (Sciences et techniques en société : savoirs, pratiques, instruments et institutions) et

42 (Sociologie des élites)

Jeudi 14 Octobre

9h Ouverture

Yvon Lamy (Université de Limoges, GRESCO)

Laurent Jeanpierre (Université Paris 8, LabTop / RT 27, AFS)

9h30-11h15

Pratiques d’expertise en conflits

Modération : Choukri Benayed, Université de Limoges, GRESCO

Yvon Lamy, Université de Limoges, GRESCO

Gouverner par les savoirs dans les arts : les Observatoires culturels régionaux

Samuel Bouron, CURAPP – GRESCO

Comment la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes « reconnaît » les écoles de journalisme ?

Corinne Delmas, Université Lille 2, CERAPS, UMR CNRS 8026

Un lieu hybride d’expertise : L’Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom

11h30-13h15

Réseaux et lieux « neutres » entre savoirs et pouvoirs

Modération : Romain Pudal (CESSP – Paris)

Marie Clotilde Meillerand, Larhra, UMR 5190

Des savoirs au service de la planification urbaine : la mouvance Économie et Humanisme, 1940-1960

Thibaut Ryoufreit, IEP Lyon, Laboratoire TRIANGLE, UMR 5206

La mobilisation des savoirs dans la production programmatique socialiste

Anaïs Théviot, IEP Bordeaux, SPIRIT

Dans les coulisses de Terra Nova

Déjeuner

14h30-16h15

L’essor du management comme paradigme de gouvernement

Modération : Ashveen Peerbaye (Université de Paris-Marne-la-Vallée)

Odile Henry, Université Paris Dauphine, IRISSO et CESSP

La rationalisation de l’économie française : lieux neutres et production des savoirs, 1926-1942

Antoine Derouet, Centre Maurice Halbwachs, Équipe PRO, EHESS

De l’organisation au management : la contribution du Comité National de l’Organisation Française à la formation « administrative » des ingénieurs

Michel Daccache, CESSP / CEMAGREF, Grenoble

La « science du risque » entre savoir et pouvoir. Genèse, production, usages et fonctions sociales des cindyniques

16h30-18h15

Gouverner par l’économie ?

Modération : Étienne Pénissat (CERAPS, Université Lille 2)

Thomas Depecker, INRA, ALISS

Du bœuf au travail à la santé de l’ouvrier : l’éthique économique des prescriptions nutritionnelles au XIXè siècle

Sabine Rozier, Université Picardie Jules Verne - CURAPP-CNRS

Le marché pédagogue. Du citoyen au consommateur avisé : enquête sur les programmes d’éducation économique et financière du public

Thomas Angeletti, GSPM, EHESS

Des journées pour stabiliser l’économie

Vendredi 15 Octobre

9h30-11h15

Sciences et technologies d’État

Modération : Laurent Jeanpierre (LabTop, Université Paris 8)

Konstantinos Delimitsos, Université de Nancy 2, 2L2S, LASURES [sous réserves]

Circulation de vocables normatifs entre décideurs et nouveaux experts en sécurité

Gildas Tanguy, IEP Toulouse, LASSP

Rendre compte au ministère… Les préfets et la fabrication des rapports administratifs : institutionnalisation et systématisation d’un savoir bureaucratique (1880-1940)

Étienne Pénissat, CERAPS, Université Lille 2

« L’histoire se fait sans nous », ou comment l’économétrie a supplanté la sociologie dans l’expertise d’Etat. Le cas du ministère du travail (1970-2000).

Colloque organisé avec le soutien de la Mairie de Limoges, du Conseil Régional Limousin, de l’Université de Limoges – Faculté des Lettres et Sciences Humaines, de l’Association Française de Sociologie, des RT 27, 29 et 42 de l’Association Française de sociologie et du GRESCO.

Comité scientifique : Philippe Brunet, Éric Dagiral, François-Xavier Dudouet, Aisling Healy, Odile Henry, Wiebke Keim, Laurent Jeanpierre, Yvon Lamy, Sylvain Laurens, Frédéric Lebaron, Olivier Martin, Romain Pudal, Ashveen Peerbaye, Catherine Vilkas, Dominique Vinck.


Argument

Le problème de la fonction des savoirs dans la construction de l’ordre social, dans les actes de gouvernement et d’orientation des conduites et des comportements, est une question récurrente en sociologie comme en science politique. Ce colloque vise à reprendre ce problème en s’intéressant spécifiquement à la circulation et à l’usage, mais aussi à la production des savoirs, dans des espaces non savants. D’une manière générale, il s’agira de se demander quelles compétences et quels savoirs sont aujourd’hui les plus légitimes dans les mondes politiques et administratifs, mais aussi économiques et gestionnaires, et s’il est possible d’affirmer qu’un art de gouverner ou de dominer par les savoirs tend progressivement à se développer, voire à se substituer à d’autres formes de gouvernement ou d’exercice plus direct du pouvoir.

Alors que le gouvernement par les savoirs fait depuis quelques années l’objet de nombreuses recherches en science politique, par exemple dans le cadre de l’analyse des politiques publiques, notamment de l’étude de la construction sociale des problèmes publics, on interroge ici ces phénomènes à partir de perspectives complémentaires : celles de la sociologie des élites, de la sociologie des sciences et des techniques et de la sociologie des intellectuels et de l’expertise. On escompte ainsi jeter une lumière nouvelle vers des lieux moins centraux dans la production des politiques et dépasser les approches parfois monosectorielles de l’action publique. On escompte également insister sur les facteurs sociaux de mise en œuvre de ces formes de pouvoir plutôt que sur leurs seuls aspects techniques ou institutionnels. On visera enfin à aller au-delà de l’image générique proposée par la catégorie foucaldienne de « gouvernement » afin de préciser les formes d’exercice du pouvoir rendues possibles par l’accumulation, la circulation et la mise en formes de savoirs spécifiques.

Les politiques des savoirs peuvent être appréhendées suivant trois voies d’entrée qui tendront à être combinées dans les analyses qui seront proposées. Ces trois points d’entrée n’ont, bien entendu, rien d’exhaustif et ne prétendent pas épuiser l’enquête.

(1) Les politiques des savoirs renvoient d’abord à une topographie des lieux de production et de circulation. On s’intéressera en particulier aux réseaux d’expertise mais aussi aux « lieux neutres » ou hybrides qui font se rencontrer des acteurs aux modes de vie et de pensée et aux propriétés sociales hétérogènes et d’ordinaire éloignées, comme les intellectuels et les chefs d’entreprises, les syndicalistes et les scientifiques, etc. Des travaux sur les formes sociales du think tank, de l’« observatoire » social ou économique, régional ou national, sur les pôles de compétitivité, sur les revues intellectuelles ou spécialisées situées aux frontières de plusieurs mondes sociaux seront particulièrement bienvenus dans ce cadre. Des vues de moyenne durée sur l’évolution historique des sociabilités de ces « lieux neutres » seront également appréciées de même qu’une réflexion sur les effets de légitimité issus de l’appellation même de ces lieux et de ces milieux.

(2) Le politiques des savoirs passe par une multiplicité de technologies. Cet aspect est sans doute celui qui a suscité le plus de recherches en sciences sociales dans les années récentes, que l’on songe à l’étude historique des sciences de gouvernement, à la sociologie des statistiques et des indicateurs, aux recherches sur le benchmarking, la « fabrique de l’opinion publique », les instruments des politiques publiques, la mesure et la gestion des risques, etc. On s’attachera ici en particulier aux processus de formation, de légitimation et d’institutionnalisation de ces techniques et savoirs et l’on s’interrogera également sur les différences existant entre les usages des techniques intellectuelles et des techniques matérielles.

(3) Ces techniques et ces réseaux, qui forment de nouvelles manières de gouverner et de dominer, ne sont cependant activés et utilisés que suivant des stratégies d’acteurs que l’analyse sociologique se doit de reconstituer. Pour cette raison, on portera une attention particulière à la formation des élites politiques et administratives mais aussi des élites scientifiques, intellectuelles et des acteurs de l’expertise. On s’intéressera aussi aux nombreux conflits d’évaluation ou de mesure (comme sur le chômage ou le bien-être) et à leurs effets ainsi qu’à la mobilisation des savoirs par les mouvements sociaux ou les groupes ayant une ambition critique. Les logiques sociales de la contre-expertise et de l’auto-expertise collective (comme dans certaines enquêtes ouvrières) pourront donc aussi être analysées. On se demandera quels types de répertoires de l’engagement intellectuel sont mobilisés lorsqu’il s’agit d’utiliser des savoirs dans le monde politique ou administratif.